jeudi 24 septembre 2009

Vendanges nîmoises

C'était il y a une semaine maintenant, vendredi 18 septembre 2009, 16h, Nîmes, café de la bourse face aux arènes, un pastis à la main. 11 ans jours pour jours après la 1ére fois. L'auteur du livre que je viens d'acheter est juste à quelques tables de moi avec ses potes, ils font de drôles de têtes et puis je n'ai pas de stylo, merde!
11 ans jours pour jours donc aprés l'alternative du Juli (j'y étais). Sur la pierre millénaire des amphitéatres (on dit andanadas à Madrid) où les romains usèrent leur toge il y a quelques temps maintenant, on s'est préparé pour l'orage diluvien annoncé depuis la veille... On confirme les alternatives ici alors l'arlésien Roman Perez passe en 1er devant les toros de Garcigrande... 1 oreille. Puis vint El Juli. Il sembla commencer sa faena dés la sortie du toro, avec sa cape (!) qu'il mania avec une science jamais vu. C'est simple, jusqu'au dernier souffle du toro El Juli ne fit que le geste parfait, une domination technique exceptionnelle atteignant la perfection et d'une grande beauté plastique qui plus est. Il fut en plus intelligemment accompagné par l'orchestre des arènes. On regardait ça en silence avec la chair de poule. Une leçon de tauromachie. Ils appellent ça un faenon maintenant dans la presse. Du grand art. 2 oreilles directes. Castella n'a pas existé après et El Juli est revenu quand enfin l'averse promise nous est tombé sur la gueule! Quel bordel dans l'arène avec les picadors et les peons. El Juli reprend heureusement les choses en main pour une nouvelle domination technique. 1 oreille. A noter les 6 estocades entières, recta, du jamais vu pour ma part. Ce monstre d'El Juli sort par la porte des consuls comme on dit là bas (3 trophées minimum).
Aprés une journée de repos, sous le regard du Pic Saint-Loup, qui est quand même passée par Uzès, Montpellier, l'intermarché de Lunel, les vignes, encerclés par les abrivados que nous fûmes... Nous revoilà aux arènes le dimanche matin, sous le soleil cette fois, pour le mano a mano Castella/Morante. Toujours autant de monde dans le callejon nîmois, Jugnot est là avec son pote Margé. A la jumelle je vois Margé, l'empressa des arènes bitteroises, serrer la pince à Morante lui qui n'est jamais venu toréer à Béziers...
Alors que j'étais venu pour Morante c'est la surprise, pour la 1ère fois Castella va m'émerveiller. Il m'avait toujours déçu que ce soit à Béziers ou à Nîmes l'an dernier. Mais là il s'est vraiment comporté en patron. Il a fait du toro de Victoriano del Rio ce qu'il voulait. On a encore frissonné sur les gradins. 2 oreilles. A son 2ème, Castella fera son spécial, aller toréer dans les cornes du toro à bout de forces chercher les passes une par une au plus prés de l'émasculation! Cette fois il est allé vraiment prés! 2 nouvelles oreilles. Pendant ce temps là Morante nous a gratifié d'une belle faena avec son entame superbe épaules haussées. Malgré quelques moments de grande pureté et de belles séries de passes il a moins transmis d'émotion sur les gradins... Il est en plus allé s'enfermer dans un coin et ne nous a rien montré à la cape lui le génie de la véronique templée. Alors un peu de frustration quand même pour le maestro andalou. 1 oreille (j'ai agité mon mouchoir). Avec les jumelles je m'aperçoit que son valet d'épée n'a pas le physique de l'espagnol moyen et encore moins d'un sévillan. Hallucinant, c'est un vrai rouquin baraqué. Une sorte de rugbyman irlandais ou un étudiant du Massachusetts est le plus proche collaborateur de Jose Antonio Morante de La Puebla! Aprés tout l'oenologue de la Tour d'Argent est bien anglais.
C'est donc Castella qui sort par la porte des consuls.
Le soir les nuages menaçants sont revenus et nous n'echapperont pas à une dernière averse. Jean-Baptiste Jalabert alias Juan Bautista se bat avec ses moyens contre un exemplaire de Valdefresno. C'est brouillon. A son 2éme adversaire il usera de la passe circulaire pour conquérir (facilement) le public. Que cette reactivité extreme du public m'énerve, comme en transe, dés qu'un torero pose une main sur le cul du toro et le fait tourner autour de lui avec la muleta dans l'autre main. Le torero ne risque pas grand chose en plus... A quand la faena intégralement circulaire??? 1 oreille pour Jean-Baptiste. C'est au tour de Miguel Angel Perera d'entrer en piste, le "numero uno" de la saison passée. Il a de la classe et c'est sa grande qualité. Car au niveau du style il est le frère jumeau de Castella: tauromachie froide, arrêté, dans des terrains très réduits. Il finira son oeuvre avec la passe circulaire, lui aussi, mais avec tellement plus de classe... 2 oreilles. Je l'ai prédit à mon voisin "et maintenant la queue!" avant le dernier toro de l'apres midi, de la féria et de la temporada française. Daniel Luque, le jeune torero de 20 ans qui monte, a déjà glané 1 oreille à son 1er passage mais sans particulièrement nous faire frémir. Mais là avec un toro d'une noblesse certaine il va se lâcher. Apres un beau début de faena il plante l'épée factice, qui tend la muleta, dans le sable de la piste, perpendiculaire! Il ne la reprendra pas. Il va enchainer les naturelles de la main droite (figure trés rare) puis de la gauche évidemment. Alors que je l'observe en gros plan aux jumelles il invente carrément des passes avec des changement de mains diaboliques aux nasaux et à la barbe du toro. Le public est en transe. Aprés une estocade entière le toro vient mourir aux pieds du maestro. Le président abat alors tous ces mouchoirs: 2 oreilles, la queue et vuelta al ruedo pour le toro! 2 whiskis et une coupe de champagne devrais je ajouter. Inutile de vous dire que Luque est sorti par la porte des consuls avec un sourire jusqu'aux oreilles après avoir donné une tape amicale à la dépouille du toro!
Bilan: toros pour vedettes quasi miraculeux (bonne présentation et assez de forces pour la plupart, pour une fois!), 5 faenas à 2 oreilles et plus, 3 portes des consuls...
On reviendra.

samedi 5 septembre 2009