mercredi 14 septembre 2016

L'ÉTÉ PAS DANGEREUX

SAINT SEBASTIEN

Nous devions donc tous nous rendre à San Seb, comme des moutons, parce que Tomas y toréait. Saint Tomas devrais je dire. A titre personnel j’ai déjà vu toréer Tomas à 4 reprises à 3 moments différents de sa carrière (1ére époque alternative/ époque du retour/ époque post Navigante) dont la fois où il a repoussé les limites de la perfection lors de son action solitaire à Nîmes. Alors à vrai dire je ne venais pas à San Seb pour lui, j’avais un projet plus secret et plus beau par les temps qui courent: Enrique Ponce. Au top depuis 26 ans le maestro de Chiva est actuellement au zénith depuis un an. Son classicisme et son élégance atteignent des cimes chaque soir et je ne suis plus assez fort pour y vouloir resister. Je décidais donc de m’abandonner totalement à lui cette année. On me dit qu’il fait sa routine devant des adversaires commodes sans forces? Pas entièrement faux, mais son numéro est plus beau et mieux exécuté que les autres qui eux aussi toréent les mêmes toros… Et puis je l’ai vu donner des caresses de muleta à un Puerto de San Lorenzo de 620kg pendant la San Isidro, devant moi au soleil. D’autres ne l’ont pas fait… En plus il élargit la création avec ses faenas à pleurer sur du Morricone et on l’a même vu toréer en smoking cette année à Istres. Honnêtement, il écrabouille la temporada 2016 de son immense talent! 
Dans cette ville absolument non taurine, ils ont construit des arènes en haut d’une colline loin du centre ville, le genre de lieu inaccessible. L’arène couverte ressemble à une soucoupe volante ou à une salle de NBA. En ce week end du 15 aout, la soucoupe volante attend donc l’extra terrestre Tomas. Après un périple en bus sous la canicule et une petite marche au contact de l’asphalte en fusion j’arrive donc en ce 12 aout aux taquillas des arènes. Le message est d’emblée clair: IL N’Y A PAS DE PLACES POUR LE 14, c’est à dire la corrida de Tomas. J’embarque quand même des places pour le 15 et le 16.
Saint Sébastien est une très belle ville. Avec ses grandes avenues, ses immeubles bourgeois majestueux et baroques aux fascinantes tourelles d’observations, son charmant petit quartier basque et sa magnifique plage en forme de coquille, la Kontxa (les indépendantistes ont pris la mairie, tout est en basque maintenant) avec une petite île rocher au milieu. Exquis. De plus, au niveau gastronomique c’est une tuerie avec toutes ses montagnes de pintxos qui inondent les bars de la ville. On peut même y boire un excellent gimlet à la cocktelleria Dickens. Le bonheur en somme. 
Le samedi c’est l’ouverture de la Semana Grande. Je m’attendais à un truc énorme et ça ne l’est pas du tout en fait. Une petite cérémonie avec un coup de canon devant la mairie ouvre les festivités suivie d’un défilé de gigantes. On n’est pas à Pampelune. Et le soir c’est feux d’artifices sur la plage. 
Le dimanche, Tomas est en ville. Même si je ne suis pas venu pour lui, la pression monte à San Seb. Juan Carlos et sa fille ont fait le déplacement. Ma chambre d’hostal est complétée par 3 aficionados sévillans et 2 valencians. Eux, ils n’ont pas fait comme moi, ils se sont abonnés. Donc ils vont voir toutes les corridas du cycle pour être sûr de voir Tomas. Tomas tue le marché, il m’énerverait presque… Mais je l’ai tellement aimé de la fin des années 90 jusqu’à l’apothéose du 15 septembre 2012 à Nîmes. Cet abandon paroxystique de sois même, cette pureté… Bref, je décide d’aller aux arènes sans billet. Toutes les arènes du monde sont des repères à revendeurs de places. Alors me voici, sous le cagnard, à tourner autour des arènes en ce dimanche 14 aout. Me croiriez vous si je vous disais qu’aucun revendeur n’est venu à ma rencontre? Et bien c’est pourtant le cas. L’ambiance est particulièrement bizarre. Des tas de gens se tournent autour, se jaugent du regard, dans un surréaliste ballet silencieux. C’est carrément comique car nous avons ici de sacrés tronches en présence dont la mienne je dois bien l’avouer! On sent que c’est là, à cet endroit que quelqu’un pourrait dégainer une place à vendre. Mais pourquoi diable personne ne parle? Je n’avais jamais vu ça. Là, une place à 50 aux derniers rangs! Je me positionne dessus mais il l’a déjà promise au type d’avant. C’était l’aubaine rare et je l’ai laissé passé. Il y aura bien cette rumeur vers 18h de la fille qui en vend une à 150 mais là faut pas déconner ça fait trop cher! Tout le monde est désormais dans l’arène et en ayant marre je vais me boire une bière à la buvette désormais complètement vide. L’histoire retiendra qu’El Juli a coupé plus d’oreilles que Tomas.
Le lendemain, c’est le 15 aout, le jour idéal pour aller aux arènes, le jour fait pour ça devrais je ajouter. Quand je pense que j’ai passé des 15 aout sous la pluie à Paris. Cet aprém en plus, nous avons du lourd au programme: Castella, Talavante et Roca Rey. Ca fait toujours bizarre de se retrouver dans cette arène d’Illumbe qui ressemble plus à une salle de sport. Et bien tout ceci va vite tourner à la pantalonnade. Les toros de Zalduendo sont de grosses limaces faibles qui n’avancent pas. Castella fait des passes sans queue ni tête dans un coin et le toro passe ailleurs… Mais le public semble apprécier. Honnêtement, la 1ere faena du biterrois, que j’aime bien, je l’ai trouvé dégueulasse, affreuse. Heureusement que le 2ème meilleur torero de l’année enchaine derrière, Talavante. Malheureusement son adversaire est d’une grande faiblesse mais c’est à lui seul qu’on doit les muletazos les plus intéressants de la journée. Même si le rookie joufflu péruvien fait toujours plaisir à voir avec son jeu de cape fleuri et ses prises de risques démoniaques, le voilà d’ailleurs avec la corne du toro « posée » contre sa poitrine. Mais à part ça, RAS dans le talweg. Oh bien sûr, des tas d’oreilles ont du tomber du palco, demandées par une foule en plein délire mais il faut bien avouer que c’était une tarde de mierda! J’ai même eu le temps de repérer Serge Blanco et son ventre avec des amis dans les gradins. Ca ira mieux demain. Ben non en fait. 2 toros calamiteux pour mon Ponce qui ne pourra rien faire et ne triomphera donc pas pour la 1ére fois en 2 mois. La malédiction me dis je! En fait, la tauromachie est juste un spectacle raté huit fois sur dix. Manzanares est quand même toujours l’homme le plus beau et le mieux éduqué d’Espagne et un Lopez Simon sans âme arrachera 2 mystérieuses oreilles à mes yeux. Bye bye San Sebastian et si je reviens ça ne sera pas pour tes corridas (j’en ai marre de ces longs trajets de bus où les gens font la queue avant de monter dedans, où personne ne resquille même quand on se prend un orage sur la gueule!) mais pour cet invraisemblablement bon pintxo de magret à 5€.

MALAGA

Malaga, Afrique. On aura beau me dire que Malaga se trouve en Europe, je peux vous affirmer que c’est bien l’air du Sahara que j’y ai respiré lors de mon séjour. 
Après une traversée de toute l’Espagne de nord en sud dans des bus confortables et climatisés, équipés du wifi, faisant étape dans d’hallucinantes gares routières, immenses et modernes (pourquoi n’avons nous pas ça en France?) j’arrivais enfin dans la fournaise andalouse. 
40°. A l’ombre. On a beau être au bord de la mer, rien n’y fait. Je prenais possession de mon Airbnb. La femme qui m’hébergeait n’est jamais venu, je ne sais pas où elle était, elle ne me donnera pas de nouvelles. Bref, je jouissais d’un appartement dans Malaga pour moi tout seul pendant 5 jours. J’aurais pu inviter des filles et organiser des fêtes mais je ne l’ai pas fait, je suis un type respectueux en fait! Car cet appart était surtout impossible à rafraichir et le ventilo ne marchait pas. Ma 1ère action dans la ville natale de Picasso fût donc d’aller acheter un short (sic). Quand vous en êtes rendu à ce point c’est qu’il fait vraiment chaud. Pour me rendre au H&M j’ai traversé la ville et j’ai pu déjà constater que Malaga n’usurpait pas sa réputation. C’est  bien une ville moche et sale. J’ai aussi pu constater soudainement en passant une frontière virtuelle que c’était la féria et que la féria de Malaga ça n’est pas rien.
Soudain je repense à ces quelques basques français que j'ai croisé au cours de ma vie et qui m'affirmaient sans sourciller que les fêtes de Bayonne étaient la 4ème ou 5ème plus grande fête du monde...Lol. Une traversée de 10 minutes de Malaga me permet de constater que la feria de Malaga est une plus grosse fête bien qu'elle ne soit pas vraiment connue. Alors avec tous les carnavals ou autres fiestas dans les mégapoles d’Amérique du Sud, un bled comme Bayonne ne fait pas le poids! La feria de Malaga est une gigantesque beuverie en centre ville. À tel point que mes chaussures collaient au sol! Il était parfois difficile d'avancer dans la foule et avec les pieds collés au sol! Comme chaque ville, chaque fête à sa particularité et à Malaga on l'a remarque vite: tout le monde boit la même boisson! Le mystérieux Cartojal, à la fois marque et boisson. Jamais entendu parler de ce truc avant. La ville est recouverte de pub de cette marque et tout le monde a sa bouteille à la main dans la rue. Ca ressemble à du vin blanc dans une bouteille en verre de 50cl environ mais on ne le boit pas à la bouteille. Chaque buveur malagueño dispose d'un petit verre en plastique fushia à l'effigie de Cartojal et celui qui a la bouteille rempli les verres. Et toute la ville se saoule comme ça. 
Malaga s'avère somme toute une déception à tous les niveaux (les choses sont chers et même la bodega historique El pimpi est décevante même si Sean Connery a eu l'air de bien s'y amuser jadis) mais regorge de quelques pépites. Son imposante cathédrale inachevée, sa promenade réaménagée le long du port, ses musées, la maison natale de Picasso, son théâtre antique et ses jolies arènes de la fin du XIXÈME siècle. D'ailleurs dans la maison de Picasso ils ont agrandi une grande photo d'un lors d’un paseo dans ces arènes de la Malagueta de la fin du XIXÈME, l'époque où Jose Ruiz Blasco y emmenait son fils, le petit Pablo Diego José Francisco de Paula Juan Nepomuceno María de los Remedios Crispín Cipriano de la Santísima Trinidad Ruiz y Picasso. Oui, c'est son nom officiel! En tout cas sur cette photo je constatais que les arènes n'avaient pas changées en 130 ans. Je reconnaissais exactement le poteau contre lequel et à l'ombre duquel j'avais passé ma soirée du 19 août. 
En ce 19 août caniculaire je ne trouvais en effet pas plus judicieuse idée que d'acheter une place au soleil. Mais attention, pas n'importe quelle place, une place en barrera à 40€. Impossible de laisser passer une telle aubaine même si à peine entré dans l'arène on se dit qu'on a fait une connerie car il fait vraiment trop chaud! J'avais quand même pris soin d'acheter un chapeau de paille à 3€ à un marchant ambulant devant la cathédrale. En fait c'était une bonne idée car les planches de la barrière vous font de l'ombre et le poteau de pierre centenaire contre lequel j'étais, aussi. Et puis l'ombre arrive vite mais pendant une heure c'est contre jour absolu! J'arrive quand même à remarquer qu'il y a du monde au balcon. La présidente blonde porte un décolleté qui met en valeur son opulente poitrine... Hallucinais je face au soleil de plomb? Je ne crois pas.
Ma place est particulièrement stratégique. Le toril, la sortie des toros est juste à ma gauche et juste à ma droite c'est le couloir qui mène les toros morts entre les mains des bouchers. Âme sensible s'abstenir mais j’aime les carcasses bovines, c'est mon côté Rocky Balboa - Soutine! 
Ce soir là au cartel nous avions, Ponce, Manzanares et le petit fils playboy d'Ordoñez, Cayetano. Je n'avais évidemment d'yeux que pour Enrique. Le 1er toro est pour lui et c'est encore une carne... Je commençais à être résigné. Ponce doit couper en moyenne 1,5 oreille à chaque toro cette année et sur ses 3 derniers toros c'est un zéro pointé! Mais les toros vont aller de mieux en mieux à l'image de l'excellente saison des Victoriano del Rio l’élevage de ce soir. Ils sont nobles et tiennent debout. Jean Marie Pommeray s'en sort pas mal. Puis celui qu'on n'attendait pas du tout ce soir, Cayetano, nous a sorti un improbable show. Ses 2 toros étaient mobiles et il en a profité, citant de loin, avec allégresse et toreria, on lui pardonnait ses défauts techniques. Il est bien meilleur que son frangin, piètre torero et habitué comme lui des tabloïds ibères. 1 oreille avec forte pétition mais madame la présidente est restée ferme. Puis Ponce revient et enfin je le vois toréer un adversaire certes faible mais noble avec toute sa classe et sa science. 1 oreille. Pendant son tour d'honneur je lui lance mon chapeau. Ponce, mon chapeau, mon chapeau, Ponce, un seul mètre les sépare... Mais c'est son peon qui se chargera de la vulgaire tâche de me le rendre. Si près du but. 
Puis Cayetano revient toujours déchaîné, à genoux, son fan club en ébullition. Déclenchant même un chant flamenco dans les gradins. 1 dernière oreille bien méritée 
Le lendemain direction le musée Picasso climatisé pendant plus de 2 heures. C'est une belle surprise, c'est un très beau petit musée avec une dizaine de perles rares de très haut niveau du génie local. Puis je commets l'erreur stratégique de ne pas repasser à l'appart. Il fait encore plus chaud que la veille. J'erre dans la fournaise sans but précis. Je trouve un bar bondé, le centre Pompidou n'a pas de banc pour s'asseoir dans le hall (seul musée au monde comme ça je pense) et ne permet l'accès à sa boutique que contre un billet gratuit délivrée aux caisses (sic) (sic) (sic).
J'arrive donc aux arènes fatigué et déshydraté. En plein délire inconscient j'achète une place au soleil (c’est quand même moins cher, hein). Et là en allant m'asseoir à ma place je me rends compte de ma monumentale connerie. Pas de barrière et poteau pour me protéger aujourd'hui, car je suis plus haut, juste la paroxystique réverbération de la peinture blanche qui recouvre les gradins. Une petite bouteille d'eau me sauve momentanément la vie mais pour combien de temps? À côté, un type chelou veut casser des gueules. Je dois rentrer à l'ombre m'asperger d'eau pour survivre mais, trop tard, il va entrer en piste dans 3 minutes. Qui? Morante. Le fantasque torero sevillan, le dernier des dandy, l'escroc romantique. Au vu de sa catastrophique temporada et de ses cachets astronomiques il va se faire très rare les prochaines années. Je ne puis donc pas le rater, je puise dans mes réserves. Et Morante fut plus que bon, excellent ou génial, il fut Morantesque! Son 1er toro lui a paru trop fougueux alors il a laissé son picador le châtier comme il faut. 4 piques, oui, 4 piques a un toro qui n'en supporterait à peine que 2. De la belle ouvrage charcutière. Puis Morante réhabilite la tauromachie à l'ancienne: pas de faena, on passe tout de suite à la mise à mort. Génial me dis-je, je peux aller prendre une douche dans le lavabo des toilettes. Pendant ce temps là, Morante essayait de tuer laborieusement son toro. Il y réussi. Sifflets. Talavante lui nous a fait du Talavante 2016. Originalité, créativité, domination technique, douceur,  l'homme au menton fait vraiment plaisir à voir cette année, il est au top. Tout le contraire de Perrera, un pantin qui torré de profil sans donner aucune émotion. L'ombre arriva enfin sur les gradins du soleil, je descendis au 3ème rang et Morante refit son apparition. Il était bien, il lia quelques muletazos profonds dont il a le secret et tout de suite quelques Olé andalous se font entendre dans la plaza, ces Olés fous qui surgissent brusquement pour un détail, pour un imperceptible et soudain surgissement d’ « arte ». Je dois avouer que la faena de Morante est belle, précise, courte. Il faut maintenant tuer. Morante ne sait plus le faire. Il a encore écouter les 3 avis ici même 2 jours auparavant. Il place son toro pour l’estocade mais il n’y arrive pas. Tous les deux, lls vont faire un demi tour d’arène le long des planches pendant de longues minutes. Morante n’arrive pas à déclencher son estocade. 1 avis sonne puis deux. Il est totalement impuissant, il a peur. Il est pathétique. Il est maintenant devant moi avec le descabello. Il est beau, il a le regard mélancolique, il est bouleversant. Son toro tombe tant bien que mal. Sifflets et applaudissements se font entendre. Talavante coupera une oreille puis Morante sortira sous une énorme bronca, les « fuera » fusant. Tel Picasso, je pouvais quitter Malaga pour toujours.   

RONDA - ALMERIA

Pour le touristo-cinéphile-aficionado que je suis, impossible de ne pas faire le pèlerinage à Ronda quand on est à Malaga. Ronda, la cité andalouse de carte postale sur son piton rocheux. Une vraie ville taurine avec ses dynasties de toreros mythiques et ses sublimes arènes du XVIIIéme siècle. C'est aussi à Ronda que les cendres d'Orson Welles reposent pour l'éternité, dispersées dans la finca du grand matador Antonio Ordoñez. 
Ronda est une petite ville magnifique. Orson Welles a du goût parce qu'on se sent bien ici et on y passerait bien plus de temps. J'avais pris mes quartiers chez Jose Ramon par l'intermédiaire de Airbnb. A un prix indécent de bassesse je résidais donc dans un grand appartement en plein cœur de Ronda. JR m’accueillit en uniforme fluorescent d’employé municipal chargé du nettoyage de la ville. J’étais encore plus surprit en entrant dans son appartement aux 3 chambres, salon, cour intérieure, le tout nickel chrome. En cadeau de bienvenu il m’offrit un verre de son gazpacho fait maison. Très bon et meilleur qu’au Pimpi. J’imaginais qui pourrait se payer un appartement équivalent de ce standing de 100m2 à Paris? Certainement pas un employé municipal!! La qualité de vie de Jose Ramon me faisait halluciner. Un mini robot aspirateur rond autonome se déplaçait dans tout l’appartement ne laissant plus aucune poussière à l’horizon. En tout cas Jose ne semblait pas travailler l’aprés midi… Après son repas et la sieste il est parti faire du vélo. Manquerait plus que sa femme ressemble à Pénélope Cruz et c’est pourtant ce que semblait indiquer une photo dans un cadre. J’imaginais les loyers de Ronda en rêvant bien que JR me dit trouver la vie ennuyeuse à Ronda… En tout cas j’avais trouvé un plan Airbnb de rêve!
Le lendemain, petit tour au campo dans la finca voisine de celle d’Antonio Ordoñez organisé par l’office du tourisme. Peut être la brise des hauteurs a t-elle portée sur moi quelques cendres de Welles? En tout cas là encore on avait affaire à une histoire originale. Un ancien architecte ayant gagné beaucoup d’argent dans la folie immobilière de l’Espagne a décidé de tout plaquer et de vivre de sa passion en montant un élevage de toros de combat et en devenant torero. Rafael Tejada est son nom. Je n’avais jamais entendu parler de lui avant car ce n’est pas une figura, il torée peu et son élevage Reservatauro est jeune. Mais en tout cas il a du terrain et des bêtes. Des chevaux et une petite arène. On a eu la chance de le voir et on a pu lui serrer la paluche! On a aussi testé les capes et les muletas qui m’ont semblées peser plusieurs kilos! 
C'était bien joli tout ça mais ça faisait 5 jours que je n'avais pas vu Enrique Ponce toréer. Son site internet l'annonçait le 25 à Almeria. Almeria, un nom qui résonnait bizarrement dans ma tête scandé par Serge Gainsbourg à la fin de sa plus belle chanson. Almeria m'évoquait aussi le désert des films de Sergio Leone, Tuco déshydraté sur son cheval ou une quelconque destination touristique pour allemands… Après une petite recherche sur internet, Almeria s'avérait être une grande ville, un port sur la Méditerranée avec de très jolies arènes de la fin du XIXÈME. Il ne m'en fallait pas plus pour en faire ma prochaine destination. Alméria est une grande ville en terme de superficie et c’est globalement assez moche. Rien à voir et sa féria est de plus inexistante. Heureusement que les arènes sont charmantes. L’aficionado almerien est content d’aller aux arènes, il vient y prendre du plaisir. Capes de paseo suspendus aux balcons, femmes en habit andalou, fleur dans les cheveux donnent une note encore plus colorée aux arènes. Je suis au 3éme rang au soleil, tout va bien d’autant plus que des nuages nous protègent. Après un intermède hippique, c’était une corrida mixte avec la présence du centaure de Navarre, Pablo Hermoso de Mendoza_mais celui qui fut si grand il y a 20 ans ne m’inspire plus qu’ennui, où est passé son génie d’antan?_ Enrique Ponce entrait en piste. Face aux gentils, légers (entre 450 et 480), nobles et mobiles toros monopiques de Daniel Ruiz, lui et David Mora allaient s’en donner à coeur joie dans une tarde de allegria. C’est sûr que ce n’était pas une corrida qui mettait en valeur le premier tiers. Mais au 3ème, quel régal avec le maestro Ponce qui a pu montrer toute son ahurissante classe et expérience. Il ne fallait pas bouder son plaisir à l’image du public d’Alméria qui scandait MUSICA avec insistance dès les 1eres passes de chaque faenas. Et la musique joua tout au long de l’aprés midi des paso dobles enjoués. Les moniletes, les redondos, les derechazos mains basses, muy « despacito y a compas », les génuflexions, les cecis, les celas… Bref, tout l’art de Ponce dans son éclatante beauté classique. Magique. Quel homme magnifique. Ce qui est fou c’est que quand j’étais jeune et que j’allais le voir il ne me touchait pas, je le trouvais trop forcé mais cette année, je n’aime personne autant que lui. Roca Rey ayant pris cher à Malaga quelques jours auparavant c’est David Mora qui l’a remplacé. Quelle chance. Après avoir eu la chance d’assister à sa grande faena électrique madrilène (certains vieux ont eu comme des orgasmes sur les gradins) j’étais content de le revoir. Parce qu’avec Mora, c’est la tauromachie de verdad à l’état pur. Il torée de face, croisé, sans concession et le toro passe au plus prés. Je me souviens l’avoir vu pour la première fois il y a longtemps à Pampelune. Il portait un costume blanc et avait attendu le toro à genoux à la sortie du toril. Erreur, celui ci avait foncé tout droit et envoyé valdinguer Mora dans les airs qui flottait les jambes en l’air et la tête en bas comme un pantin désarticulé. C’était notre première rencontre et je croyais qu’il était mort. Et puis il faut l’avouer, avec son physique à la Gary Cooper, ce type est génial! 2 estocades chirurgicales téléguidées au ralenti dans la croix. 3 oreilles sacrément mérités. Entre-temps nous avons eu droit à une coutume locale que je découvris: la mi-temps entre le 3éme et le 4éme toro. Douze bonnes minutes pour que le public almérien puisse déguster ses sandwichs tranquillement. Un côté Pampelune du sud en beaucoup plus propre quand même. Les almeriens vont en effet aux arènes avec de quoi se sustenter et s’hydrater ce qui fait que les buvettes sont les seules buvettes d’arènes au monde vides: étonnant! 
Lors de son 1er tour d’honneur, David Mora envoya l’oreille du toro à un garçon devant moi. C’est gros une oreille de toro! Le garçon était trop content, il l’a fait toucher à tout le monde. Certains faisaient des selfies avec l’oreille! Puis il l’a mise dans un sac plastique qui finira certainement dans son congélateur pour de longues années. Du fétichisme poussé assez loin.
Le lendemain, en allant prendre mon bus pour Grenade à la gare, un panneau indique que Sergio Leone a posé sa caméra ici même pour tourner une scène d’Il était une fois la révolution. Ca n’est pas rien.

GRENADE - LINARES

Désormais une date se profilait à mon horizon, une petite folie pour une date et un lieu mythique. Linares le 28 aout. Et puis je n’avais pas vu depuis longtemps ce torero que j’aime tant, si rare ces dernières années et qui est en train de faire une énorme saison et qui plus est régional de l’étape: Curro Diaz, l’homme au poignet de cristal. Je pouvais faire d’une pierre deux coups, tout ce que j’aime.
Sur la route entre Almeria et Linares Grenade s'est imposé comme une étape naturelle. J'ai eu la chance d'y trouver un fabuleux logement Airbnb dans le quartier hors du temps de l'Albaicin, cette colline pittoresque classée à l'Unesco avec ses micro ruelles et ses vieilles maisons blanches de style arabo andalou qui surplombe Grenade, pile poil en face de l'Alhambra. Difficile de faire mieux. Je logeais dans la maison de Paula, brésilienne, et Neil, danois. Sur 3 étages avec la terrasse sur le toit et sa vue imprenable sur l'Alhambra. Ma petite chambre donnais sur une micro ruelle et je pouvais dormir la fenêtre ouverte pour faire entrer l'air frais des nuits grenadines. On était proche du paradis. Et le samedi soir nous bûmes quelques Alhambra (la bière locale!) sur la terrasse avec un ami danois de Neil. Seul bémol à Grenade, la nourriture. Les spaghettis bolognaises semblaient y être la spécialité locale et même les plats classiques espagnols étaient moins bons et bien plus chers qu'ailleurs.
Mais ce répit de paisibilité et de douceur était de courte durée. Mon pèlerinage à Linares m'attendait.
Il faut quand même le vouloir aller à Linares et quand on se renseigne tout le monde vous regarde avec de grands yeux écarquillés. La solution c'était Grenade-Jaen en bus puis Jaen- une gare au milieu de nulle part en train puis taxi sachant que sur le parking de la gare il n'y a pas de taxi! De plus ce jour là à Linares il faisait la sympathique température de 39°. A l’ombre. Mais quel beau périple traversant des collines d'oliviers à perte de vue.
J'arrive enfin à arriver tant bien que mal à mon hôtel qui sera le logement le plus cher de mon séjour. Je me rends compte dans le hall que c'est le site du plus important tournoi d'échecs au monde. Il faut bien l'avouer, la réputation négative que traine Linares est sévère. C'est une petite ville de province certes, mais entourée de champs d'oliviers à perte de vue, c'est une ville propre avec un grand paseo à l'espagnole, de beaux bancs en azuléjos et un El corte ingles qui impose le respect. Et puis il y a les arènes de 1866, celles là mêmes où Manolete se fit encorner fatalement par Islero en 1947, le 28 août. En souvenir on trouve un joli buste de Manolete dans le parc attenant aux arènes. Ces arènes où je me rends donc, après une bonne douche froide, 69 ans jours pour jours après la blessure fatale du monstre de Cordoue. Pour cette corrida hommage nous avons donc au cartel, Curro Diaz, Manzanares et Talavante. Une putain d'affiche!
L'arène, à moitié vide, observa une minute de silence et la sonnerie aux morts retenti après le paseo. J'avais encore pris une place au soleil mais je pu descendre au 3ème rang juste derrière la pique. Un emplacement parfait. J'ai pu assister avec plaisir toute la soirée aux conversations entre matadors durant la pique. J'étais juste derrière et les 2 qui ne participent pas n'arrêtent pas de se parler, c'est assez drôle. Ces toros légers de Luis Algara furent du petit lait pour Curro Diaz qui avait combattu 2 corridas de Victorino Martin dans la semaine! Il nous régala de sa classe et de sa toreria, heureux qu'il était de toréer devant ses supporters et amis. Une tauromachie avec beaucoup de temple et collé au toro terminé par des estocades parfaites initiées l'épée vers le ciel. Quel talent! 3 merveilleuses oreilles pour Curro Diaz. Je tiens ce type pour l’un des 3 meilleurs toreros du monde actuellement.
Ce bon vieux Talavante est dans la place et ça, ça fait toujours plaisir. Ce taquin gardera quand même sa meilleur faena du mois en réserve pour le lendemain à Colmenar Viejo face à un improbable et excellent toro de réserve. J'aurais pu y être mais l'interminable distance entre la gare de Colmenar et ses arènes ainsi que la énième substitution de Roca Rey m'en dissuaderont. Erreur. Il coupera quand même la bagatelle de 2 oreilles ce soir lui assurant la sortie par la puerta grande de l'arène maudite. Quand à Manzanares, il fit une faena technique a mas à son 1er gratifié d'une oreille méritée mais son second adversaire ne lui laissa aucune option. On sent quand même que Manzanares, sosie de Marlon Brando jeune, mannequin Armani, richissime, ne se joue pas la vie autant que les autres et qu'il ne va pas prendre trop de risques non plus. Déjà, sa muleta est plus grande que les autres toreros... Mais je l'aime quand même pour sa gentillesse et toutes ses belles choses qu'il m'a montré à Nîmes, Seville et Madrid. Car quand il s'accorde avec un toro, c'est difficile de toréer avec plus de sentimiento et de suavidad que lui!
Le soir, après la corrida, je dois m'apercevoir que la feria de Linares est une chimère. Je rentre donc à l'hôtel assez tôt. Une fourgonnette est garée devant, les portes en s'ont ouvertes, des malles, des capes, c'est le van d'un torero. Il est écrit Jose Maria Manzanares sur l'une d'elles. Bon sang, Manzanares dort dans le même hôtel que moi! Oui, l’homme le plus beau du Royaume d’Espagne et votre humble serviteur ont réservés à l'hôtel Anibal la même nuit!! J'attends dans le hall car il pourrait en fait reprendre la route après s'être changé. Les toreros voyagent la nuit, comme des ombres, comme des apparences. C'est d'ailleurs ce que pensent une petite poignée de fans qui attendent dans le hall et devant l'hôtel. Un sosie de Curro Diaz en pantalon blanc passe devant moi mais impossible de certifier que c'est bien lui car je ne l'ai jamais vu en civil! 2 très charmantes groupies écrivent un mot à l'adresse de Manzanares sur le comptoir de la réception et le glisse dans une enveloppe. Elles quittent l'hôtel. Je me demande si les toreros couchent avec leurs groupies... Je pense à Led Zeppelin et Luis Miguel Dominguin le torero séducteur absolu qui justement était à Linares le 28 août 1947. Il n'a pas que séduit Lucia Bose, Ava Gardner et Rita Hayworth, il a aussi vu Manolete mourir. Fatigué, j'allais me coucher. Le lendemain matin en partant, la camionnette de Manzanares n'était plus là.

PALENCIA

Je repassais dans la partie nord de l'Espagne, celle où l'on prononce le S à la fin de gracias et de vamos, direction Palencia. Palencia? Oui, Palencia. Est ce ma faute moi si Enrique Ponce avait décidé d'aller y toréer ce 31 août? Pas des masses de hipsters à Palencia mais cette petite ville de Castilla y Léon a son charme. On dirait Niort en Espagne quoi. En plus Palencia compète sérieusement pour le meilleur rapport ciudad-qualité-prix d'Europe! Le deal là bas c'est un tapa + une boisson = 2,50€. Pour 7,50€ vous avez donc bien mangé et très bien bu, en plus les tapas sont pas degueus! D'autant plus pendant la feria où l'on y fait des concours, de tapas. La feria battait son plein et c'était la ville que j'avais choisi pour voir Ponce une dernière fois en 2016. Ponce, la colonne vertébrale de mon voyage. Dans la plénitude absolue de son art, je craignais qu'il prenne sa retraite à la fin de la saison après avoir été au top pendant 25 ans, soit une carrière longue pour un torero. Marié, père de 2 jeunes filles et probablement richissime, qu'irait il foutre encore dans cette galère? Pourtant, un des jeunes aficionados sévillans de ma chambrée donostiera m'avait sorti cette phrase mystérieuse: "tu le reverras encore l'an prochain Ponce, il a besoin d'argent suite à une escroquerie." Je n'en saurais pas plus... Dans le doute j'avais préféré faire étape à Palencia pour ne pas rater une dernière leçon de toreo du maestro de Chiva.
Les arènes de Palencia, à l'image de la plupart des arènes du nord de l'Espagne, datent de la fin du XXÈME siècle et sont donc assez moches et éloignées du centre. Mais cet amphithéâtre de béton de 10000 places est pratique. À Palencia, j'avais décidé d'aller attendre les toreros arriver aux arènes. Je devrais le faire plus souvent car c'est vraiment un lieu où la passion se vit le plus intensément. Les toreros arrivent aux arènes en fourgonnette 10 à 15 minutes avant les hostilités. Ils descendent de leur van une vingtaine de mètres avant la porte des cuadrillas (l'entrée des artistes) qu'ils parcourent assaillis par leurs fans qui veulent tous faire des photos avec eux ou leur faire signer des autographes. Il faut quand même se dire qu'à ce moment là les toreros ont le trac. Ca les distrait peut être. Les membres des cuadrillas arrivent aussi par le même endroit ce qui fait une grosse mêlée. Il y a pas mal de jeunes ici et c'est rassurant. Paco Ureña aime ce moment et le fait durer en arrivant plus tôt aux arènes. Ponce a le visage plutôt fermé mais n'en demeure pas moins impérial. Talavante lui n'aime pas trop ça et s'est engouffré vite fait derrière lui. Au 1er toro du Pilar, Ponce fait de belles choses mais ce n'est pas un de ces sommets dont j'étais en quête. En plus une affreuse musique martiale l'accompagne. L'aficionado palencien exige la musique des la 1ère passe de muleta. À son 2ème toro ça partait mal, le manso rechignait au combat mais ce diable de Ponce réussi à arracher passes par passes sans jamais rompre, puis de superbes séries enchaînées jusqu'aux génuflexions finales faisant rugir de plaisir les gradins. Rien ne lui résiste. Malheureusement il tuera en deux fois et les trophées s'envoleront. C’est donc ce bon vieux Paco Ureña qui décrocha la timbale ce soir là. Le torero qui dandine du cul et au sourire du Joker était déchainé! Il nous a régalé à la cape puis à la muleta, à genoux, debout, de loin, croisé, de la main gauche, bref tout y est passé avec allégresse. Et le tout ponctué de bonnes estocades. Deux fois une oreille pour Ureña qui n’avait pas volé sa sortie par la puerta grande. Paco, c’est le torero qui monte en ce moment.
Assoiffé, comme toujours après avoir passé une bonne heure en plein soleil, j'allais boire une bière au bar en sortant des arènes. Mon sympathique voisin de bar parlait français. Il me montra du doigt une colline au bout de la rue surplombée par une gigantesque statue du Christ. Il me dit que c’était la 2éme plus grande du monde après le Corcovado de Rio. Il se demandait aussi ce que je foutais à Palencia et je lui répondit que j’étais venu voir Ponce. Sa réponse sans appel et spontanée fût: « Ponce est oune merde, c’est oune merde! ». Il avait probablement confondu avec Talavante qui était, exceptionnellement et entre deux grandes performances, de mauvaise humeur. Il avait d’ailleurs expédié son 2éme toro d’une estocade sale sans même faire de faena. Grosse bronca pour Talavante qui avait du croiser un chat noir ou un curé en soutane sur le chemin des arènes.
Je rentrais en ville au rythme des cuivres en suivant la bonne douzaine de peñas qui sortait des arènes. 
Je ne devais rester qu’une nuit à Palencia mais mon hôtel était tellement peu cher et confortable et comme on annonçait aussi le retour du fils de la revanche du comme back du prodige péruvien Roca Rey le lendemain, dix jours après sa grosse rouste de Malaga, je décidais de rester une nuit supplémentaire. 
Ce 1er septembre marquait donc le grand retour de Roca Rey, la tornade de la saison. J’étais encore allé attendre les toreros arriver. Il y avait une sacré effervescence autour du péruvien provocant cette scène surréaliste devant moi d’une adolescente prise en photo avec Lopez Simon par son père avec celui ci qui hurlait « Roca Rey, Roca Rey »! La fille avait honte pour lui. Mais Roca était pressé de toutes parts par les fans en délire. Le 3éme larron était El Juli, toujours très populaire mais aussi sérieux.
Cette corrida ne s’est, évidemment, pas passé comme prévu. El Juli, en pré-retraite, expédia son 1er adversaire. Lopez Simon, comme souvent cette année, fut assez insipide avec une tauromachie mécanique mais apprécié par le public. Au moins emploie t-il toujours les meilleurs picadors. Puis ce fût au tour de Roca Rey. Et c’est parti fort, avec encore des suerte de cape dont il a le secret puis une énorme entame de faena au centre avec des passes changées dans le dos. Le péruvien était déjà dans la prise de risque maximale. Après une magnifique deuxième série tout en douceur j’applaudissais déjà quand il a voulu rajouter une dernière passe. Erreur. Il avait encore gagné un tour de manège gratuit sur les cornes du toro, puis il tomba assez violemment par terre, restant de façon effrayante inanimé, allongé sur le sol quand le toro se retourna vers lui pour théoriquement venir l’achever. Là ce fût la panique générale dans l’arène. Tous les péons, les 1ers en action furent pathétiques dans leurs interventions. C’est là qu’El Juli a décidé de prendre les choses en main et heureusement. Bien qu’en pré retraite, il a sauvé du monde ce soir là par ses gestes et sa gestion de la crise. Et quand il a fallu aller immobiliser le toro en le tenant par la queue il y est allé. Chapeau maestro. Pendant ce temps là ses peons emmenaient Roca Rey à l’infirmerie tant bien que mal. Quand vous voyez ça en direct sans la télévision d’assez loin malgré tout vous ne savez pas si la corne est rentré. Je saurai plus tard que non et qu’il s’agissait juste d’un traumatisme crânien. A l’heure qu’il est Roca Rey est parti dans la clinique spécialisée des footballeurs américains à Miami pour des examens complémentaires. Le président reçu une énorme bronca: « Démission, Assassin! » car le public avait estimé que ce toro devait être changé. A vrai dire je n’ai toujours pas compris pourquoi. Certes, ce toro avait un comportement quelque peu bizarre mais pas de gros défaut apparent pour moi. C’est donc El Juli qui le tua. La soirée se transforma donc en mano a mano Juli - Lopez Simon. Et bien ça l’avait réveillé le Juli qui fit une excellente faena technique à son toro suivant. Lopez Simon quand à lui fit du Lopez Simon 2016. Pas désagréable mais pas transcendant comme en 2015. L’année passée en effet, c’est Lopez Simon qui avait explosé en prenant des risques insensés et ce même face aux élevages les plus durs. Il avait était secoué fortement et encorné plus d’une fois. On sent que cette année il a changé sa stratégie, capitalisant sur ses triomphes de l’an dernier en prenant un minimum de risque au risque, justement, de perdre son âme. Mais pas la première place de l’escalafon 2016.
Et je ne sais pas pourquoi je ne m’en étais pas rendu compte plus tôt mais le lendemain toréait l’homme dont j’étais tombé amoureux la semaine d’avant à Alméria: David Mora. J’essayais de rester une nuit supplémentaire à Palencia par tous les moyens! Impossible. Tous les hôtels étaient plein et l’hôte du super Airbnb que j’avais repéré était en Ecosse. J’étais condamné à quitter Palencia le jour où celle ci fêtait son saint: San Antolin. Inutile de vous préciser que la corrida du lendemain fût un triomphe. Quand à la corrida du surlendemain, on ne compte même plus les oreilles tellement il y en a eu, ainsi qu’un toro gracié. 
Ainsi va la vie de l’aficionado, faîtes d’immenses espoirs, petits bonheurs et grosses frustrations. 

Après mon retour en France par un passage à Burgos, je conclurai par cet aphorisme profond et vertigineux: une ville d'Espagne sans corrida, c'est comme un repas sans fromage.

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