vendredi 24 octobre 2008

Où es tu Melody?


Mercredi soir, 19h, librairie de la cité de la musique à Paris. Je feuillete des bouquins sur Gainsbourg alors que les hauts parleurs diffusent un bon vieil album de Lou Reed. J'entends un mec qui s'agite à la caisse, je lève la tête, c'est Daniel Darc qui est dans son êtat normal. Tout va bien.


Dans l'auditorium de cette institution, là même où j'avais vu un grand concert de Sonic Youth il y a 3 ans, avait lieu un concert hommage à Serge Gainsbourg par Jean Claude Vannier. Vannier est l'un des plus grands compositeurs arrangeurs de pop musique de France de ses 40 dernières années. Il a travaillé avec les plus grosses pointures françaises de la chanson et notament Gainsbourg. Vannier pratique l'orchestre et c'est pour ça qu'il y en a un énorme sur la scène, mais il y a aussi tout le reste qui va bien.

 

J'aurais pu vous parler de la 1ére partie mais je n'ai pas vu Claude Engel ballancer le fabuleux riff de "Cannabis"...

J'aurais pu vous parler du plat de résistance de la soirée, la grande oeuvre solo de Jean-Claude Vannier tant aimé par Serge, son album desormais culte de pop symphonique "L'enfant assassin des mouches" joué ici en intégrale mais les trop longs intermèdes bruitistes entre les morceaux m'ont ennuyés...


Car je n'étais venu que pour la fin, le dessert,  le plus grand album rock de notre pays "Histoire de Melody Nelson" qu'il a composé avec Serge Gainsbourg en 1971 et joué ici en intégralité sur scène.

Assis confortablement en face de la scène je ne suis pas pour autant idealement placé (sic). En effet Vannier dirige l'orchestre au milieu de la scène avec devant lui les violonistes. On est en formation orchestre symphonique. Le choeur, très nombreux, est au fond, ça c'est normal mais le batteur, le bassiste et les guitaristes ont été exilés au fond à gauche de la scène avec devant eux un piano histoire qu'on puisse les voir le moins possible!!! Et je cherche encore les cuivres et autres percussions (!). La mise en scène spatiale est ratée! Car ceux qui connaissent "Melody Nelson" savent que le bassiste sera l'homme le plus important de la soirée avec Vannier et le batteur. Heureusement que le lègendaire Herbie Flowers se lève pour lancer le bal avec ses notes de basses si reconnaissables, si techniques. C'est un tour de force de jouer comme ça tout un concert! Comme vous le savez sans doute, Gainsbourg est mort alors les invités se sont succèdés sur scène pour le remplacer lui et Jane, qui va bien aux dernières nouvelles mais qui n'a pas repris son rôle de muse Gainsbourgienne. C'est Matthieu Amalric, l'acteur, qui entre sur "Melody" avec son blazer marine vintage. Il parle, évidemment. Sa voix est trop forte, trop propre mais il a une certaine classe... La Melody Nelson est toute droit sortie d'un épisode de "Twin Peaks", blonde avec une robe rouge, une fleur dans les cheveux et un look flashy. C'est quand même la chanteuse de Tricky dans la vraie vie. Amalric conclue "Melody Nelson a les cheveux rouges et c'est leur couleur naturelle..." Puis ce bon vieux Brian Molko de Placebo entre en scène avec son costume gris strassé et ses cheveux longs. il chante en duo avec la toujours Martina Topley Bird "La ballade de Melody Nelson". Tres professionnel ce garçon.  Brigitte Fontaine apparaît, momie-esque, dans le rôle de Serge pour "Valse de Melody". Ses fans apprécient. C'est vrai qu'elle est assez touchante. Coucou le revoilou, Daniel Darc, dans son style caractéristique d'allumé, qui se plante sur "Ah Melody" en chantant des couplets plusieurs fois mais c'est quand même lui le plus proche de Gainsbourg dans le timbre et finalement le plus émouvant. Cette fois ci je suis bien placé pour observer les musiciens surpris par le style Darc. Les musiciens se regardent discrètement, interrogatifs. Vannier fait maintenant un geste sec, tres compréhensible pour les profanes, en direction de Darc pour qu'il s'arrête. Tout ça tient debout malgré tout. Ovation.

C'est maintenant au tour d'Alain Chanfort d'entrer en scène pour "L'hôtel particulier". Chanfort il a travaillé avec Gainsbourg ("Manureva"), ça doit être pour ça qu'il s'assoit sur la queue du piano, comme à la maison! Son interprétation n'est pas inoubliable.

Pour les rires de "En Melody" c'est une cantatrice asiatique qui officie. C'est quand même anormal que des guitaristes qui balancent du son aussi bon soit assis et planquès sur un côté de la scène. "Histoire de Melody Nelson" n'est pas un album de musique classique! Et les violonistes ont l'air de s'ennuyer...

Le cultissime "Cargo culte" pour terminer avec la délicieuse Clotilde Hesme toute de noire vêtue qui arrive par le fond de la scène et qui interprète Gainsbourg himself. Amalric réapparaît pour le final et termine le travail avec Clotilde qui deviens Melody Nelson :"Tu t'apelles comment? _Melody  _Melody comment? _Melody Nelson" Le jeune choeur de Paris s'en donne à coeur joie!


Alors que dire de cette soirée sinon qu'elle fut étrange? 

Musicalement c'était d'un très haut niveau. Les cordes étaient parfaites mais on leur a donnés une importance trop exagérée, de plus le jeu de lumières quasi inexistant n'a pas su établir une ambiance visuelle adéquate à ce trip surrealisto-pop qu'est "Melody Nelson". Quand au son je pense qu'il n'était pas assez fort... Je ne dis pas qu'il faut pendre en place publique le metteur en scène de cette soirée mais quand même... beaucoup d'erreurs ont été commises.

Il y avait mieux à faire mais on a quand même vu un de nos chef d'oeuvres préférés prendre vie avec une multitude d'invités prestigieux.


Revoyons avec plaisir un extrait du formidable film qu'avait fabriqué le poète electronico-visuel, Jean-Christophe Averty, sur cet album:



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